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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/118

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NICIAS.

LE PAUVRE.

Je ne l’ai jamais vu que ces jours passés, comme il était dans la place publique.

LE SYCOPHANTE.

Notre homme avoue qu’il a vu Nicias ;
Et pourquoi l’aurait-il vu, sinon pour lui vendre son suffrage ?
Vous l’avez entendu, mes amis ; voilà Nicias pris sur le fait.

LE PAUVRE.

Quoi ! insensés, vous voudriez convaincre de quelque méfait le plus vertueux des hommes !


Aristophane fait dire à Cléon[1] d’un ton menaçant :

Je serrerai les orateurs à la gorge, et je troublerai Nicias.


Phrynichus[2] fait aussi allusion à sa timidité, et à la facilité avec laquelle on lui en imposait, par ces deux vers :

C’était un bon citoyen, j’en suis bien sûr,
Et qui ne marchait pas, comme Nicias, tout transi de peur.

Cette crainte continuelle des calomniateurs était cause que jamais il ne soupait avec aucun de ses concitoyens, qu’il fuyait toutes les conversations, tous les commerces, et qu’il se refusait à tous les délassements de cette nature. Lorsqu’il était archonte, il restait au palais jusqu’à la nuit ; il arrivait le premier au conseil, et n’en sortait que le dernier. Mais n’avait-il rien à faire en public, il se renfermait dans sa maison, et il était difficile de le rencontrer et d’arriver jusqu’à lui. Alors ses amis venaient au-devant de ceux qui se présentaient à sa porte, et les priaient d’excuser Nicias : « Dans ce moment encore, disaient-ils, il est occupé des intérêts publics ; il n’est pas

  1. C’est une erreur de Plutarque. Dans cet endroit de la pièce des Chevaliers, ce n’est point Cléon qui parle, mais un fripier nommé Agoracritus.
  2. Poëte comique du temps, qu’il ne faut pas confondre avec le tragique Phrynichus qui fut antérieur même à Eschyle.