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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/180

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répondit : « Peut-être oui, peut-être non. » Et, comme ils insistèrent pour connaître sa pensée : « Je le briguerai, dit-il, pour les citoyens justes, non pour les méchants. » Cette réponse parut pleine d’orgueil et de vanité dédaigneuse. Crassus en fit une plus modérée : il dit que, si cela était utile à l’État, il briguerait cette magistrature ; que, sinon, il s’en abstiendrait.

Cela fut cause que plusieurs compétiteurs osèrent se mettre sur les rangs, entre autres Domitius. Mais, lorsque Crassus et Pompée eurent avoué leur candidature, en faisant ouvertement des démarches, tous se retirèrent par crainte, à l’exception de Domitius. Caton, son parent et son ami, ranimait son courage, l’exhortait, l’excitait à ne pas perdre l’espoir : Domitius, suivant lui, combattait pour la liberté commune. Ce n’était pas le consulat qu’il fallait à Pompée et à Crassus, mais la tyrannie. Le but qu’ils se proposaient, ce n’était pas d’obtenir une magistrature, mais de ravir les provinces et les commandements militaires. Ainsi parlait et pensait Caton ; et il entraîna Domitius presque de force au Forum, et beaucoup se réunirent à eux. La surprise était grande d’ailleurs : « Ces hommes, se disait-on, pourquoi prétendent-ils à un second consulat ? pourquoi encore une fois ensemble ? pourquoi pas avec d’autres ? Nous ne manquons pas de citoyens qui certes ne seraient point indignes d’être collègues de Crassus et de Pompée. »

Pompée s’effraya de ces propos, et il n’épargna, pour réussir, aucune injustice ni aucune violence. La pire des voies de fait qu’il employa, c’est l’embuscade qu’il dressa contre Domitius. Celui-ci se rendait au Forum avant le jour, avec quelques personnes : les gens de Pompée tuèrent l’esclave qui portait la torche devant lui, et blessèrent plusieurs personnes, entre autres Caton. Lorsqu’ils les eurent mis en fuite et enfermés dans la