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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/197

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supporter. Et puis la plus grande partie de leurs chevaux avaient péri en allant s’enterrer sur les épieux. Ils furent donc contraints de se replier sur leur infanterie ; et ils emmenèrent Publius, qui déjà se trouvait fort mal de ses blessures.

Il y avait près d’eux un monticule de sable : ils le virent et s’y retirèrent, et, attachant leurs chevaux au centre de cet espace, ils formèrent le cercle autour d’eux, les boucliers serrés et joints ensemble. Ils croyaient pouvoir ainsi repousser plus facilement les Barbares. Le contraire arriva. Dans une plaine unie, les premiers rangs procurent en quelque sorte un instant de relâche à ceux qui sont derrière ; mais là, l’inégalité du terrain les élevait au-dessus les uns des autres, et, ceux de derrière étant le plus découverts, il était impossible qu’ils échappassent aux coups : ils étaient tous également atteints, et ils avaient la douleur de périr d’une mort sans gloire, et sans pouvoir se venger de leurs ennemis.

Publius avait avec lui deux des Grecs qui habitaient dans ce pays, à Carrhes[1] ; ils se nommaient Hiéronyme et Nicomachus. Ces deux hommes lui conseillaient de s’enfuir avec eux, et de s’ouvrir un chemin pour se retirer à Ischnes[2], ville qui avait pris le parti des Romains, et qui n’était pas éloignée. « Il n’y a pas de mort si terrible, répondit-il, qui puisse épouvanter Publius, et lui faire abandonner des hommes qui meurent pour lui. » Il les engagea à se sauver eux-mêmes, et, leur tendant la main, il les congédia. Pour lui, ne pouvant se servir de sa main, qu’une flèche avait transpercée, il ordonna à son écuyer de le frapper de son épée, et il lui présenta le flanc. On rapporte que Censorinus mourut de la même

  1. Ville de la Mésopotamie.
  2. Ischnes, ou Ichnes, était aussi en Mésopotamie, vers les bords de l’Euphrate.