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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/264

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crins. Sertorius alors se lève : « Mes alliés, dit-il, vous voyez que la patience vient mieux à bout de ses entreprises que la force, et que bien des choses qu’on ne saurait emporter d’un seul coup cèdent aisément si on les prend l’une après l’autre. La persévérance est invincible : c’est par elle que le temps, dans son action, détruit et renverse toute puissance ; allié aussi sûr pour ceux à qui la raison fait observer et saisir le moment favorable, qu’ennemi dangereux pour ceux qui mettent trop de précipitation dans les affaires. » Tels sont les apologues qu’imaginait Sertorius, pour encourager les Barbares, et pour leur enseigner à attendre les occasions.

Mais aucun de ses exploits militaires ne fut plus admiré que le stratagème dont il usa contre les Characitaniens. C’est un peuple qui habite au delà du Tage[1], non point dans des villes ni dans des bourgs, mais sur un très-grand coteau fort élevé, rempli de cavernes et d’antres profonds, dont les ouvertures sont tournées vers le nord. Toute la campagne que ce coteau domine n’a pour fond qu’une boue argileuse, qu’une terre légère et friable où l’on peut à peine se soutenir, et qui se réduit, pour peu qu’on y touche, en une poussière très-fine, comme ferait la chaux ou la cendre. Quand la crainte de quelque ennemi oblige les Barbares de se renfermer dans ces cavernes avec leur butin, ils s’y tiennent tranquilles, à l’abri de toute agression. Sertorius, qui s’était éloigné de Métellus, campait au pied de ce coteau : les Barbares n’avaient pour lui que du mépris, s’imaginant qu’il avait été battu. Sertorius, soit par colère, soit pour montrer qu’il ne fuyait pas, monte le lendemain à cheval au point

  1. Il y a dans le texte Tagonius ; et comme les Characitaniens sont inconnus d’ailleurs, on ne peut pas affirmer positivement que c’est bien du Tage qu’il s’agit.