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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/265

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du jour, et va reconnaître le coteau : il n’y voit aucun accès, et court inutilement de côté et d’autre, en faisant aux Barbares de vaines menaces. Tout à coup il s’aperçoit que le vent soulevait de cette terre une grande quantité de poussière et la portait sur le coteau ; car, comme je l’ai dit, les cavernes ont leur entrée au nord. Le vent qui souffle de l’ourse, et que quelques-uns nomment cécias[1], est celui qui règne d’ordinaire dans ce pays ; et sa puissance s’accroît, en passant à travers des plaines humides et des montagnes couvertes de neige. On était alors en plein été : ce vent, nourri et renforcé par la fonte des glaces du nord, soufflait agréablement, et rafraîchissait les Barbares et leurs troupeaux. Sertorius, ayant réfléchi sur cette circonstance locale, instruit d’ailleurs par les naturels du pays, ordonne à ses soldats d’apporter de cette terre fine et cendreuse, et d’en former un monceau vis-à-vis de l’entrée des cavernes. Les Barbares crurent que c’était une levée qu’il construisait pour se défendre contre eux, et ils se moquèrent de son entreprise. Sertorius, après que ses soldats eurent ainsi travaillé jusqu’à la nuit, les fit rentrer dans le camp. Au point du jour, il souffla d’abord un vent doux, qui commença à enlever les parties plus fines de la terre qu’ils avaient entassée, et à les répandre dans l’air, comme cette paille légère qui s’élève d’une aire. Puis, le cécias devenant plus fort à mesure que le soleil montait, et le coteau étant déjà tout couvert de poussière, les soldats de Sertorius se mirent à remuer jusqu’au fond les tas qu’ils avaient faits, et à briser les mottes de cette terre argileuse. Quelques-uns même faisaient passer et repasser leurs chevaux par-dessus, soulevant des nuages de poussière, et les livrant au vent. Les parties les plus déliées étaient emportées jusque dans

  1. Suivant Aristote, le cécias est le vent du nord-est, et non point celui qui souffle directement du nord.