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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/267

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murs de Lauron[1]. Sertorius assiégeait la ville ; Pompée vint avec toute son armée au secours des assiégés. Il y avait près des murailles une colline dont la situation semblait très-avantageuse pour incommoder la ville. Sertorius et Pompée y accoururent, l’un pour s’en saisir, et l’autre pour empêcher l’ennemi de s’y poster. Sertorius y arrive le premier, et Pompée fait arrêter ses troupes, fort aise que la chose eût ainsi tourné, et s’imaginant qu’il tenait Sertorius enfermé entre la ville et son armée. Il envoya dire aux Lauronites de ne rien craindre, et de se tenir tranquilles sur leurs murailles, pour se donner le spectacle de Sertorius assiégé. Sertorius, informé du propos de Pompée, ne fit qu’en rire, et dit que l’écolier de Sylla, car c’est ainsi qu’il appelait Pompée par dérision, allait apprendre à ses dépens que le général doit regarder derrière soi plutôt que devant. En même temps il montrait aux assiégés six mille hommes d’infanterie qu’il avait laissés dans ses premiers retranchements, d’où il était parti pour aller s’emparer de la colline : ces troupes avaient ordre de charger Pompée en queue, dès qu’il ferait mine d’attaquer Sertorius. Pompée, qui s’en aperçut trop tard, n’osait engager la bataille, de peur d’être enveloppé ; d’un autre côté, il avait honte d’abandonner les assiégés, dans le péril où ils se trouvaient. Il fut donc contraint de les voir succomber sous ses yeux, sans pouvoir bouger pour les secourir ; car les Barbares, ayant perdu tout espoir, se rendirent à Sertorius. Il leur fit grâce de la vie, et leur laissa la liberté d’aller où ils voudraient ; mais il brûla leur ville, non par un mouvement de colère ou de cruauté (c’était de tous les généraux l’homme qui se laissait le moins aller à son ressentiment), mais pour couvrir de honte et de confusion les admirateurs de Pompée, et pour faire dire, parmi les Barbares, que Pompée en

  1. C’est aujourd’hui Liria, dans le royaume de Valence.