Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/287

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telligence, une lutte animée. Car cette complaisance à céder à ceux dont on n’a point forcément reconnu la supériorité, à céder de prime abord, sans combat, c’est à tort, suivant lui, qu’on J’appelle concorde. Il y en a qui prétendent qu’Homère lui-même l’a compris ainsi : en effet, il n’aurait pas représenté Agamemnon si satisfait de voir Ulysse et Achille en venir dans une dispute à des injures grossières[1], s’il n’avait jugé grandement utile à l’intérêt général cette rivalité jalouse, cette mésintelligence des guerriers les plus distingués. Toutefois, c’est une chose que l’on n’accorderait pas sans examen ; car les rivalités poussées à l’excès emportent des suites funestes pour les États, qu’elles mettent en grand péril.

Il y avait peu de temps qu’Agésilas avait reçu l’autorité royale, lorsque des gens venus d’Asie annoncèrent que le roi des Perses équipait une flotte considérable pour chasser les Lacédémoniens de l’empire de la mer. Lysandre désirait retourner en Asie, pour secourir ses amis qu’il avait laissés gouverneurs et maîtres des villes, et qui, ayant abusé de leur puissance et s’étant conduits avec violence et injustice, avaient été chassés par les citoyens ou mis à mort. Il persuada donc à Agésilas de se charger de l’expédition, de porter la guerre le plus loin possible de la Grèce, et de prévenir, en passant la mer, les préparatifs du Barbare. En même temps il écrivait à ses amis d’Asie de députer à Lacédémone, et de demander Agésilas pour général. Agésilas étant donc venu devant le peuple assemblé, accepta la conduite de cette guerre, à condition qu’on lui donnerait trente Spartiates pour officiers et conseillers, une élite de deux mille des Hilotes nouvellement affranchis, et six mille alliés. Par l’influence de Lysandre, on décréta tout avec empressement, et l’on fit partir sur-le-champ Agésilas avec les

  1. Au huitième livre de l’Odyssée, dans le chant de Démodocus.