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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/288

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trente Spartiates, dont fut Lysandre tout le premier, non pas à cause de sa réputation et de son crédit seulement, mais aussi à cause de l’amitié qu’avait pour lui Agésilas. Celui-ci trouvait qu’il avait plus fait pour lui en lui procurant ce commandement, qu’en lui faisant décerner la royauté.

Tandis que l’armée se rassemblait à Géreste[1], lui-même descendit à Aulis avec ses amis, et y passa la nuit. Pendant son sommeil il crut entendre une voix lui dire : « Roi des Lacédémoniens, nul n’a été déclaré généralissime de toute la Grèce, si ce n’est Agamemnon d’abord, et toi aujourd’hui. Tu le sais sans doute ? Or, puisque tu commandes aux mêmes hommes que lui, que tu vas combattre contre les mêmes peuples, et que tu pars des mêmes lieux pour la guerre, il convient que tu offres à la déesse[2] le même sacrifice qu’il a offert ici avant de mettre à la voile. » Aussitôt revint à la pensée d’Agésilas le sacrifice de la jeune fille[3], que son père égorgea pour obéir aux devins. Cependant, sans se troubler, il se leva, et raconta sa vision à ses amis, en leur disant qu’il honorerait la déesse par une offrande qui devait plaire à une divinité, mais qu’il n’imiterait pas la folie du roi qui l’avait précédé. Une biche fut, par son ordre, couronnée de bandelettes et immolée par son devin, et non par celui que les Béotiens avaient établi pour faire les sacrifices suivant l’usage du pays. Les béotarques, en ayant été informés, entrèrent dans une grande colère, et envoyèrent leurs officiers défendre à Agésilas d’offrir un sacrifice contrairement aux lois et aux coutumes de la Béotie. Ces gens apportèrent leur message ; et ils jetèrent de l’autel à terre les cuisses de la victime.

  1. Ville d’Eubée, en face du cap Sunium.
  2. Diane.
  3. Iphigénie.