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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/309

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comptant que le roi allait le distinguer par une attention particulière. À la fin, il lui dit : « Roi, ne me connais-tu donc pas ? » Et le roi tournant les yeux sur lui : « Mais, dit-il, n’es-tu pas Callippidès le dicélicte ? » C’est le nom que les Lacédémoniens donnent aux mimes. Une autre fois, on l’invitait à entendre un homme qui imitait le chant du rossignol ; et il refusa, disant : « J’ai entendu le rossignol lui-même. » Le médecin Ménécrate avait réussi dans quelques cures désespérées, et on l’avait surnommé Jupiter. Il se donnait lui-même arrogamment ce surnom ; et un jour il lui adressa une lettre avec cette suscription : « Ménécrate-Jupiter au roi Agésilas, salut. » Il lui répondit avec celle-ci : « Le roi Agésilas à Ménécrate, santé[1]. »

Tandis qu’il était dans les environs de Corinthe, et qu’après la prise du temple de Junon il regardait ses soldats emmener et emporter le butin, des députés arrivèrent de Thèbes pour lui proposer paix et amitié. Agésilas, qui avait toujours haï cette ville, croyant utile dans cette occasion de les traiter avec fierté, affecta de ne pas les voir ni les entendre quand ils furent près de lui. Mais il éprouva comme un effet de la vengeance divine. Les Thébains n’étaient pas encore partis, que des courriers vinrent lui annoncer qu’un corps de troupes avait été taillé en pièces par Iphicrate. C’était le plus grand échec qu’on eût éprouvé depuis longtemps : la perte en hommes était considérable ; et c’étaient des hoplites battus par des hommes armés à la légère, des Lacédémoniens par des mercenaires. Agésilas partit aussitôt pour les secourir ; mais, reconnaissant que c’en était fait, il retourna au temple de Junon, et, ayant fait venir les Béotiens, il leur donna audience. Les Béotiens, montrant

  1. Le mot grec ὑγιαίνειν signifie tout à la fois la santé du corps et celle de l’esprit, le bon sens.