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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/313

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parti opposé à Agésilas, et alors harmoste[1] de Thespies. C’était un homme qui ne manquait pas d’audace ni d’ambition, mais tout plein de hautes espérances plus que de bonnes pensées. Désireux de se faire un grand nom, et s’imaginant que Phœbidas s’était acquis beaucoup de gloire et de célébrité par son audacieuse entreprise sur Thèbes, il se persuada que ce serait un coup bien plus beau et d’une bien plus grande portée d’aller de lui-même surprendre le Pirée, et de priver Athènes de toute communication avec la mer, en attaquant ce point par terre à l’improviste. C’était, à ce qu’on rapporte, une machination des béotarques Pélopidas et Melon. Ceux-ci lui adressèrent quelques personnes qui, affectant beaucoup de dévouement au parti des Lacédémoniens, comblèrent d’éloges Sphodrias, et, le grandissant à ses propres yeux comme seul digne d’une aussi grande entreprise, l’excitèrent et le décidèrent à s’en charger. Cet acte n’était pas moins injuste ni moins contraire à toutes les lois que l’autre ; mais il ne fut exécuté ni avec la même audace ni avec le même succès. Sphodrias avait espéré attaquer le Pirée pendant la nuit ; et le jour parut et le surprit qu’il était encore dans la plaine de Thriasi[2]. On dit que ses soldats, à la vue d’une lumière qui brillait sur quelques temples d’Éleusis, furent saisis d’épouvante ; lui-même perdit son assurance dès qu’il lui fut impossible de cacher sa marche ; et, après avoir fait un faible butin, il se retira tout honteux et sans gloire dans Thespies. Pour ce fait, des accusateurs furent envoyés contre lui d’Athènes à Sparte ; mais ceux-ci trouvèrent que les magistrats n’avaient pas atttendu qu’on vînt accuser Sphodrias, et qu’ils l’avaient déjà traduit en justice

  1. C’était le nom que les Lacédémoniens donnaient aux gouverneurs qu’ils établissaient dans les villes de leur obédience.
  2. Ainsi nommée du dème de Thrias, situé à peu de distance de la ville d’Éleusis.