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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/335

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POMPÉE.


(De l’an 106 à l’an 48 avant J.-C.)

Le peuple romain semble avoir eu, dès l’abord, pour Pompée, les mêmes sentiments que le Prométhée d’Eschyle témoigne en ces mots à Hercule, qui vient de le sauver :

Ce fils d’un père que je hais, il m’est bien cher[1].


Jamais, en effet, les Romains ne donnèrent à aucun autre général des preuves d’une haine aussi forte et violente que celle dont ils ont poursuivi Strabon, père de Pompée. Vivant, sa puissance dans les armes, car il était homme de guerre, le leur avait rendu redoutable ; et, quand il fut mort frappé de la foudre, ils arrachèrent le corps du lit funèbre, pendant les obsèques, et lui firent mille outrages. Or, aucun Romain, plus que Pompée, ne fut, en revanche, l’objet de leur vive affection ; nul ne la vit commencer plus tôt, ni persévérer plus longtemps dans sa prospérité, ni se soutenir avec plus de constance dans ses revers. L’aversion qu’on portait au père ne venait que d’une seule cause, son insatiable avarice ; mais il y en eut plusieurs à l’amour qu’inspirait Pompée : sa tempérance dans la manière de vivre, son adresse aux exercices des armes, son éloquence persuasive, la sincérité de son caractère, et son affabilité. Il

  1. Ce vers se trouvait dans la pièce intitulée Prométhée délivré, qui n’existe plus.