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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/336

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était personne qui fut plus endurant avec les solliciteurs, ni qui obligeât plus volontiers : il donnait sans arrogance, et recevait avec dignité. La douceur de ses traits, qui prévenait en sa faveur avant qu’il eût parlé, ne contribua pas peu, dans les premiers temps, à lui gagner les cœurs. Il joignait à cet air aimable une gravité tempérée par la bonté ; on voyait éclater, à travers la fleur même de sa jeunesse, la majesté de l’âge mûr, et des manières toutes royales. Ses cheveux étaient un peu relevés ; ses regards, doux et vifs, donnaient à sa physionomie une ressemblance, moins frappante pourtant qu’on ne le disait, avec les portraits du roi Alexandre. De là le surnom sous lequel on le désignait généralement dès sa jeunesse. Pompée était loin de s’en fâcher : aussi quelques-uns, pour le railler, se mirent-ils à l’appeler Alexandre. On compte, à ce propos, que Lucius Philippe[1], homme consulaire, dit, en plaidant pour lui, qu’on ne devait pas s’étonner qu’étant Philippe, il aimât Alexandre.

La courtisane Flora conservait encore, dans sa vieillesse, un souvenir agréable de ses liaisons avec Pompée : « Jamais, disait-elle, quand il couchait avec moi, je n’en ai été quitte sans morsure. » Flora racontait encore qu’un des amis de Pompée, nommé Géminius, étant devenu amoureux d’elle, et l’obsédant de ses importunités, elle lui avait dit, afin de s’en défaire, que son amour pour Pompée l’empêchait de consentir. Géminius alla prier Pompée de le servir dans sa passion, et Pompée se prêta aux vœux de Géminius ; mais depuis il n’eut plus aucun commerce avec Flora, et cessa de la voir, quoiqu’il parût toujours l’aimer. Ce ne fut point en courtisane que

  1. Lucius Marcius Philippus, qui avait épousé Attia, mère d’Auguste. C’était, suivant Cicéron, après Crassus et Antoine, le meilleur orateur de son temps.