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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/400

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d’austère, et que tempérait une conversation remplie de grâce, et propre surtout à s’insinuer dans l’esprit des femmes ; à moins toutefois qu’on ne révoque en doute le témoignage que lui rendait sur ce point la courtisane Flora.

Un jour de comices pour l’élection dés édiles, on en vint aux mains ; il y eut plusieurs personnes tuées auprès de Pompée ; ses habits étaient couverts de sang, il lui fallut en changer. Voilà donc un grand trouble et un grand concours de monde dans sa maison, quand ses serviteurs y apportèrent ses habits pour en prendre d’autres. Julie, qui était enceinte, s’évanouit à la vue de la robe ensanglantée : elle eut beaucoup de peine à reprendre ses sens ; le bouleversement que lui avait causé ce spectacle, et la douleur dont elle avait été saisie, la firent avorter. Cet accident inspira tant d’intérêt pour elle, que ceux-là mêmes qui condamnaient le plus l’attachement de Pompée pour César ne pouvaient blâmer sa tendresse pour sa femme. Elle devint grosse une seconde fois, et accoucha d’une fille ; mais elle mourut en travail, et l’enfant ne survécut que peu de jours. Pompée se disposait à la faire inhumer dans sa terre d’Albe, lorsque le peuple enleva de force le corps, et le transporta au champ de Mars, moins pour faire plaisir à César et à Pompée, que pour témoigner la compassion que lui inspirait la jeune femme ; et, des honneurs que le peuple lui rendait, une part plus grande semblait s’adresser à César absent qu’à Pompée présent.

En effet, la ville fut bientôt en proie à une agitation violente ; et toutes les affaires flottaient à la dérive. L’alliance entre César et Pompée couvrait leur ambition plutôt qu’elle ne la refrénait : aussi ne parlait-on |plus que de division et de rupture. Peu de temps après, on apprit que Crassus avait été défait et tué par les Parthes ; et sa mort faisait tomber la plus forte barrière qui restât