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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/588

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places fortes et passer les nuits sous les armes, leur vieillesse les faisait bientôt succomber à ces fatigues : ils étaient trop pesants pour des travaux si pénibles ; et leur courage cédait à la faiblesse de leur corps. On disait d’ailleurs qu’il régnait dans leur armée une maladie contagieuse, dont la mauvaise nourriture avait été la première cause ; et, ce qui était encore plus fâcheux pour César, il n’avait ni argent ni vivres, et il semblait inévitable qu’il se consumât lui-même en peu de temps.

Tous ces motifs déterminèrent Pompée à refuser le combat. Le seul Caton approuva sa résolution, par le désir d’épargner le sang des citoyens : il n’avait pu voir les corps des ennemis tués à la dernière action, au nombre de mille, sans verser des larmes ; et, en se retirant, il s’était couvert la tête de sa robe, en signe de deuil. Tous les autres accusaient Pompée de refuser le combat par lâcheté : ils cherchaient à le piquer, en l’appelant Agamemnon et roi des rois, en lui imputant de ne vouloir pas renoncer à cette autorité monarchique dont il était investi, à ce concours de tant de capitaines qui venaient dans sa tente prendre ses ordres, et dont sa vanité était flattée. Favonius, qui affectait d’imiter la franchise du langage de Caton, déplorait, d’un ton tragique, le malheur qu’on aurait encore cette année de ne pas manger des figues de Tusculum, parce qu’il fallait à Pompée une autorité monarchique. Afranius, nouvellement arrivé d’Espagne, où il s’était fort mal conduit, et qu’on accusait d’avoir vendu et livré son armée, lui demanda pourquoi il n’allait pas combattre contre ce trafiquant qui avait acheté de lui ses gouvernements. Tous ces propos forcèrent Pompée de se décider au combat ; et il se mit à la poursuite de César.

César avait éprouvé de grandes difficultés dans les premiers jours de sa marche. Personne ne voulait lui fournir de vivres, et sa récente défaite lui attirait un mé-