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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/589

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pris général ; mais, lorsqu’il eut pris la ville de Gomphes[1] en Thessalie, il eut de quoi nourrir son armée ; et, pour surcroît de bonheur, ses soldats furent guéris de la maladie, d’une façon vraiment étrange. Ayant trouvé une quantité prodigieuse de vin, ils en burent avec excès, et se livrèrent à la débauche, menant, tout le long du chemin, une espèce de bacchanale. L’ivresse chassa la maladie, qui venait d’une cause contraire, et changea entièrement la disposition de leurs corps. Quand les deux généraux furent entrés dans la plaine de Pharsale, et qu’ils eurent assis leur camp l’un vis-à-vis de l’autre, Pompée revint à sa première résolution, d’autant plus qu’il venait d’avoir des présages sinistres et un songe alarmant. Il lui avait semblé se voir à Rome dans le théâtre, accueilli par les applaudissements des Romains[2]

Mais ceux qui l’entouraient étaient, au contraire, tout pleins de présomption, et prévenaient la victoire par leurs espérances. Déjà Domitius, Spinther et Scipion se disputaient la dignité de grand pontife, que possédait César ; plusieurs avaient envoyé retenir et louer d’avance, à Rome, des maisons propres à loger des consuls et des préteurs, assurés qu’ils se croyaient d’être élevés aux magistratures aussitôt après la guerre. Mais, ceux qui se montraient le plus impatients de combattre, c’étaient les chevaliers, tout fiers de la beauté de leurs armes, du bon état de leurs chevaux, de leur bonne mine et de leur nombre, car ils étaient sept mille contre mille que César en avait. L’infanterie de Pompée l’emportait aussi par le nombre : elle était de quarante-cinq mille hommes, et celle des ennemis ne montait qu’à vingt-deux mille. Cé-

  1. César dit que cette ville était la première qu’en rencontrât en Thessalie, à partir des frontières de l’Épire.
  2. Il y a ici une lacune, qu’on peut suppléer au moyen du récit détaillé que Plutarque a fait de ce songe dans la Vie de Pompée.