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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/624

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biade à celle d’Épaminondas ; de prudence à prudence : celle de Thémistocle n’était pas la même que celle d’Aristide ; de justice à justice, comme entre Numa et Agésilas. Mais les vertus de Caton et de Phocion montrent, jusque dans leurs plus petites et plus imperceptibles différences, le même caractère, la même forme, la même couleur de mœurs et de sentiments. La douceur avec l’austérité y sont mêlées dans une égale mesure, la prévoyance avec la valeur, la vigilance pour les autres avec l’intrépidité pour soi-même ; et la fuite des choses honteuses s’y trouve si bien liée et unie avec le zèle pour la justice, que le jugement le plus subtil, tel qu’un instrument très-fin, pourrait à peine distinguer, et découvrir la moindre différence.

Tout le monde convient que Caton était d’une illustre maison, comme je le ferai voir dans sa Vie. Quant à Phocion, je crois qu’il n’était pas d’une naissance basse et obscure ; car, s’il eut pour père un faiseur de pilons à mortier, comme le prétend Idoménée[1], Glaucippus, fils d’Hypéride, dans le discours où il a rassemblé contre Phocion toutes les injures qu’il a pu recueillir, n’aurait pas oublié la bassesse de son origine ; d’ailleurs Phocion n’aurait pas reçu une éducation aussi distinguée. Durant sa première jeunesse, il fut disciple de Platon et ensuite de Xénocrate, dans l’Académie, où de bonne heure il forma ses mœurs et sa vie sur le modèle de la plus parfaite vertu. Duris assure que jamais Athénien ne le vit rire, ni pleurer, ni se baigner dans les étuves publiques, ni avoir les mains hors de son manteau quand il était habillé. Lorsqu’il allait à la campagne, et quand il était à l’armée, il marchait toujours nu-pieds et sans manteau, à moins qu’il ne fît un froid excessif : aussi, en voyant Phocion habillé, les soldats disaient en riant que c’était

  1. Historien né à Lampsaque, et contemporain de Ptolémée Lagus.