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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/626

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Peut-être faut-il attribuer aux mœurs de Phocion le pouvoir de son éloquence ; car, un mot, un signe de tête d’un homme de bien, ont autant de poids et de force, pour persuader, que des milliers de raisonnements et de périodes.

Phocion, dans sa première jeunesse, servit sous le général Chabrias, auquel il s’attacha particulièrement, et qui le forma au métier des armes. Lui-même il corrigea sur bien des points le caractère inégal et emporté de Chabrias, qui, naturellement paresseux et difficile à émouvoir, s’animait et s’enflammait tellement dans les combats, que son courage le précipitait tête baissée dans les périls : témérité qui finit par lui coûter la vie, dans l’ile de Chio, où il voulut aborder le premier avec sa trirème, et faire la descente en présence des ennemis, malgré la résistance vigoureuse qu’ils lui opposaient. Phocion, qui n’avait pas moins de courage que d’activité, échauffait la lenteur de Chabrias, ou ralentissait son impétuosité et son audace, quand elles étaient hors de saison. Aussi Chabrias, naturellement doux et bon, aimait beaucoup Phocion, et l’avançait dans les charges et les commandements : il le faisait connaître aux Grecs, en l’em-ployant dans les affaires de la plus haute importance, et particulièrement à la bataille navale de Naxos[1] où il lui ménagea l’occasion d’acquérir de la réputation et de la gloire, en lui donnant le commandement de l’aile gauche : là, le combat fut si vif que la victoire fut promptement décidée. Cette bataille fut la première que la ville d’Athènes gagna par ses seules forces contre les Grecs, depuis qu’elle avait été prise par Lysandre : les Athéniens en conçurent beaucoup d’affection pour Chabrias, et une grande estime pour Phocion, en qui ils reconnurent un talent capable de bien commander, ils remportèrent

  1. Naxos est la plus grande des Cyclades.