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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/721

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contre César les accusations les mieux fondées. Il n’y eut rien d’arrêté dans le Sénat : on y dit seulement qu’il serait à propos de donner un successeur à César. Alors les amis de César demandèrent que Pompée posât aussi les armes, et se démît du commandement des provinces qu’il occupait, ou qu’on n’exigeât rien de César. Caton se récria avec force contre cette proposition. « Vous voyez arriver, dit-il aux sénateurs, ce que je vous prédisais depuis longtemps : César marche ouvertement à l’oppression de la république, à l’aide des troupes qu’il a obtenues de la ville en la trompant par ses artifices. » Mais il ne gagna rien hors du Sénat : le peuple s’opiniâtra à vouloir que César fût au comble de la puissance ; et le Sénat, qui partageait les sentiments de Caton, n’osa rien faire, par la crainte du peuple.

Cependant César s’était emparé d’Ariminum, et marchait sur Rome avec son armée. À cette nouvelle, tous les yeux se tournèrent vers Caton : le peuple et Pompée lui-même avouèrent qu’il était le seul qui eût pressenti, dès le commencement, et le premier qui eût publiquement annoncé, les vues de César. « Si vous aviez cru, leur dit-il alors, ce que je vous ai si souvent prédit, et que vous eussiez suivi mes conseils, vous n’en seriez pas réduits maintenant à tout craindre d’un seul homme, et à mettre en un seul toutes vos espérances. — Il est vrai, répondit Pompée, que Caton a tout vu en prophète ; mais j’ai agi en ami. » Caton conseilla au Sénat de confier à Pompée seul la conduite des affaires. « C’est, dit-il, à ceux qui ont fait de grands maux, de les réparer. » Mais Pompée n’avait point d’armée prête ; et les levées qu’il avait faites témoignaient un médiocre dévouement à sa cause : il abandonna Rome. Caton, résolu de l’accompagner dans sa fuite, dépêcha secrètement à Munatius, dans le pays des Brutiens, le plus jeune de ses deux fils, et garda l’aîné auprès de lui. Et, comme sa maison