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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/722

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et ses filles exigeaient quelqu’un qui en eût soin, il reprit Marcia, qui était veuve, et possédait des biens considérables ; car Hortensius, en mourant, l’avait instituée son héritière. C’est là surtout ce que César reproche à Caton : il l’accuse d’avoir aimé l’argent, et trafiqué de ses mariages par intérêt. « Car, dit-il, s’il avait besoin d’une femme, pourquoi la céder à un autre ? Et s’il n’en avait pas besoin, pourquoi la reprendre ? Ne l’avait-il donnée à Hortensius que comme un appât, en la lui prêtant jeune, pour la retirer riche ? » Mais, à ces calomnies on peut répondre par ces vers d’Euripide[1] :

D’abord ce sont des indignités ; car il est indigne,
À mon sens, de l’accuser d’être lâche, ô Hercule !


Oui, c’est un outrage également gratuit de reprocher à Hercule d’être un lâche, et d’imputer à Caton une honteuse convoitise. Du reste, il se peut qu’à d’autres égards sa conduite envers sa femme n’ait pas été sans reproche ; et c’est une question à examiner. Lors donc qu’il eut repris Marcia, et qu’il lui eut confié le soin de sa maison, il courut après Pompée. Depuis ce jour-là, dit-on, il ne se coupa plus ni les cheveux ni la barbe ; il ne mit plus de couronne sur sa tête, et persévéra jusqu’à sa mort dans le deuil, l’abattement et la tristesse, gémissant sur les calamités de sa patrie, et ne changeant rien à son extérieur, soit que son parti fût vainqueur ou vaincu.

La Sicile lui était échue en partage ; il se rendit à Syracuse. Là, on l’informa qu’Asinius Pollion, un des lieutenants de César, venait d’arriver à Messine avec son armée : il envoya s’informer du motif qui lui avait fait passer le détroit. Pollion, de son côté, lui fit demander des explications sur le changement qui s’était opéré dans les affaires, et lui apprit que Pompée avait abandonné

  1. Hercule furieux, vers 174.