Aller au contenu

Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/374

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est ainsi que l’homme est individualisé ; dépouillé du vêtement corporel, il serait Dieu. Maintenant, le mouvement spécial des portions incarnées de la matière imparticulée, c’est la pensée de l’homme, comme le mouvement de l’ensemble est celle de Dieu.

P. Vous dites que, dépouillé de son corps, l’homme sera Dieu ?

V. (Après quelque hésitation). Je n’ai pas pu dire cela, c’est une absurdité.

P. (Consultant mes notes). Vous avez affirmé que, dépouillé du vêtement corporel, l’homme serait Dieu.

V. Et cela est vrai. L’homme ainsi dégagé serait Dieu, il serait désindividualisé ; mais il ne peut être ainsi dépouillé, — du moins il ne le sera jamais ; — autrement, il nous faudrait concevoir une action de Dieu revenant sur elle-même, une action futile et sans but. L’homme est une créature ; les créatures sont les pensées de Dieu, et c’est la nature d’une pensée d’être irrévocable.

P. Je ne comprends pas. Vous dites que l’homme ne pourra jamais rejeter son corps.

V. Je dis qu’il ne sera jamais sans corps.

P. Expliquez-vous.

V. Il y a deux corps : le rudimentaire et le complet, correspondant aux deux conditions de la chenille et du papillon. Ce que nous appelons mort n’est que la métamorphose douloureuse ; notre incarnation actuelle est progressive, préparatoire, temporaire ; notre incarnation future est parfaite, finale, immortelle. La vie finale est le but suprême.