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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/104

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que le Midi ne me reproche pas trop de le négliger, j’ai décidé de ne pas me rendre cette fois à Sampigny, mais de réinstaller quelque part au bord de la Méditerranée. Après de brèves recherches, j’ai loué, dans les Alpes-Maritimes, au pied de la petite cité sarrasine d’Eze-sur-Mer, une villa tranquille, cachée dans les pins. D’une longue terrasse qui surplombe la mer, on découvre le Cap d’ail, le cap Roux, le cap Ferrat, et l’on a une vue incomparable sur le large. En gagnant cette retraite lointaine, je ne suis pas mécontent d’échapper un peu à l’étreinte de mon métier, mais, du moins, j’ai l’impression que l’état de l’Europe, pour instable qu’il soit encore, me permet de respirer plus librement. La paix semble rétablie dans les Balkans. Nos relations avec toutes les Puissances sont normales. Quelles que soient les influences nouvelles qui s’exercent sur Guillaume II, la France est bien décidée à ne lui fournir aucun prétexte de guerre. C’est presque une sensation de repos et de sécurité que j’éprouve, au moment où je vais saluer, sur la côte d’Azur, le printemps de 1914.

Nous transportons là-bas, pour quelques semaines, toute notre maisonnée, y compris notre fidèle chat siamois et notre minuscule griffon belge. Affolés d’abord par le mouvement et le bruit du train, nos animaux familiers s’accoutument vite à leur logis roulant. Le chat s’installe princièrement dans le wagon-salon, il se prélasse sur les dossiers des fauteuils et, dans les gares envahies par la foule, il cherche visiblement l’admiration des curieux. Elle ne lui est pas marchandée. Mais, à l’arrivée, il est aussi heureux que nous de rompre avec la représentation et de se sentir en plein air,