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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/105

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sous le ciel bleu, devant l’immensité de la mer.

Notre nouveau gîte est rempli de corbeilles et de palmes, offertes par les municipalités des environs. La grande-duchesse Anastasie de Mecklembourg, mère de la Reine de Danemark et de la femme du Kronprinz impérial, nous a envoyé, d’une villa voisine qu’elle habite, deux beaux vases de cristal ornés de pois de senteur. Les pittos-porées qui parfument le jardin nous rappellent l’oléa fragrans dont autrefois à Gardone, sur la rive du lac, nous avons tant aimé l’odeur pénétrante. Des géraniums, des bégonias, des calcéolaires, fleurissent les plates-bandes. La terrasse est embaumée d’œillets multicolores. Des oliviers, de grands palmiers, des mimosas, des pins maritimes, des caroubiers, forment, devant le péristyle de la villa, une décoration tropicale.

Deux jours après, mon frère et ma belle-sœur viennent nous retrouver. Sans la présence obligatoire de deux officiers de ma maison militaire, qui vont se relayer avec ceux de Paris, — tous rivaliseront, d’ailleurs, de prévenances et de discrétion, — nous pourrions nous croire libérés de toute servitude officielle et définitivement rendus à la vie familiale. Mais, dès qu’il nous arrive de faire une promenade, tout le monde nous reconnaît, piétons, automobilistes, voyageurs en tramways, et ce sont des coups de chapeau, des cris de joie, des vivats, qui ne laissent rien subsister de notre incognito. Nous nous plaisons cependant à de longues échappées. Nous grimpons par les sentiers jusqu’au sommet rocheux où est juchée la petite ville d’Eze, dont les ruelles étranglées et tortueuses nous ménagent, après une rude montée, un peu d’ombre et de fraîcheur. Nous allons en auto, par