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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/144

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par les exigences de ses amis et il préfère, me dit-il, rester à ma disposition pour plus tard.

C’est dans cette incertitude que je commence le vendredi 29 mai un autre voyage officiel. Prendre contact avec les populations des diverses provinces françaises, écouter leurs doléances, recueillir leurs vœux, en faire part aux gouvernements qui se succèdent, n’est-ce pas, dans la sérénité de mon impuissance constitutionnelle, le seul service réel que je sois à même de rendre au pays ? Me voici donc parti pour la Bretagne, en compagnie d’un seul sous-secrétaire d’État, M. Jacquier, jeune et aimable député radical de la Haute-Savoie, qui administre les Beaux-Arts. M. Noulens, ministre de la Guerre, doit venir nous rejoindre à Rennes.

Notre première étape est Laval, où le cortège présidentiel parcourt rapidement des rues bordées de curieux et stationne quelques minutes devant le donjon et les tours crénelées du vieux château. Un programme éclectique fait succéder un vin d’honneur à l’inauguration d’un service d’eau. Après l’allocution d’usage, je reviens à la gare au milieu d’une population satisfaite et je m’isole dans le wagon qui me sert de cabinet de travail. Vers cinq heures du soir, par un temps gris et pluvieux, nous arrivons à Vitré. Les rues de cette petite ville pittoresque sont si étroites qu’une municipalité prudente a renoncé à nous les faire parcourir en voiture. C’est à pied que nous nous rendons au château, dont l’origine remonte presque à l’an mil et qui, après des transformations successives, allie aujourd’hui, dans un harmonieux contraste, le charme de la Renaissance et la sévérité militaire. Les personnes qui m’accompagnent vantent ou déplorent, suivant leur propre allure,