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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/158

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ans, ont eu conscience de prendre une mesure de nécessité.

M. Viviani a lui-même expliqué sa pensée dans sa Réponse au Kaiser (p. 75) : « Pénétré de la nécessité de maintenir la loi de trois ans, désireux aussi de montrer qu’elle ne constituait pas un document qui fût à jamais intangible, je pris en main la formation du cabinet, avec le projet de laisser intacte la loi si récemment votée. Je voulus seulement marquer qu’une préparation militaire de la jeunesse organisée s’imposait et que, si les circonstances extérieures le permettaient, on pourrait un jour revenir sur les mesures prises, puisque les lois militaires dépendent de l’état de l’Europe. Mais cette transaction eut le sort que réservent généralement les partis aux équitables arrangements : le parti modéré la redouta et quelques hommes de la gauche extrême la trouvèrent insuffisante. »

La première formule de M. Viviani ne me paraissait pas à moi-même très claire. Je lui avais conseillé quelques changements de détail, qu’il avait, du reste, trouvés utiles, et il était allé rejoindre ses futurs collègues chez M. Malvy, au ministère de l’Intérieur. Peu de temps après, il revenait à l’ Élysée et m’annonçait que tout était rompu. M. Justin Godart, député du Rhône, n’avait pas accepté une phrase qui subordonnait aux circonstances extérieures un allégement des charges militaires. M. Viviani n’avait pas cédé. Il avait été appuyé par MM. Nouleng, Messimy, Thomson, Jean Dupuy. « Il s’agit de savoir, avait dit M. Thomson, si nous voulons rester Français. » Mais M. Justin Godart s’était entêté. Il eût été possible à M. Viviani d’appeler, pour le remplacer,