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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/163

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ministres démissionnaires, MM. Noulens et Fernand David, vont m’excuser et me remplacer à Rouen, où j’avais promis d’aller aujourd’hui même visiter les bassins et les quais, avant le commencement des grands travaux dont le programme vient d’être voté par la Chambre, et dont l’exécution accroîtra rapidement le trafic du port et la prospérité de la ville. Au banquet préparé en mon honneur, M. Noulens lit un discours que j’ai adressé de loin à la population rouennaise, pour célébrer son œuvre de paix.

Sur ces entrefaites, je recueille par des visites, par des lettres, par la lecture des journaux, de très mauvais renseignements sur l’état de l’opinion publique. À droite, on continue à me reprocher de n’être pas intervenu dans les élections et d’avoir aggravé mon cas en ne formant pas après le vote un cabinet de résistance. À gauche, on me blâme de n’avoir pas encore constitué un ministère nettement radical et, dans quelques cercles politiques, on conspire pour me forcer à démissionner. Tout recommence de ce que j’ai connu en janvier 1913, les manœuvres malpropres, les calomnies imbéciles, les entrefilets fielleux dans les petites feuilles de chantage. Mais en présence de ces campagnes haineuses, je sais maintenant garder le calme du mépris.

Un déjeuner que j’offre au prince Albert de Monaco et à divers membres de l’Institut, m’arrache, du reste, momentanément, à l’observation de ces vilaines choses. Le prince me parle surtout de voyage et d’océanographie. Il me dit en outre qu’il se propose d’assister bientôt aux régates de Kiel, auxquelles il est invité par l’Empereur d’Allemagne. Il compte emmener avec lui M. Jules