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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/43

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Je lui ai déjà écrit, je lui exprime de nouveau ma sympathie et vais me mêler au groupe des ministres, des sénateurs, des députés, des magistrats en robes, auxquels se sont joints quelques fidèles et beaucoup de curieux. Des revenants de la fameuse Affaire, écrivains ou artistes, tels qu’Ajalbert, F. Desmoulin, Bruneau, viennent me serrer la main. Pauvre Picquart ! Quelle noble, mais paradoxale destinée a été la sienne ! Lui, antisémite déclaré, il a défendu, avec autant de vaillance que de loyauté, le capitaine Dreyfus condamné par erreur. Lui, discret et presque timide, il a bravé toutes les injures, toutes les calomnies, tous les supplices, par scrupule de conscience et par passion de la vérité. Lorsque la France a eu les yeux dessillés, il est apparu à tous comme une victime du devoir et comme le meilleur champion du droit. Le gouvernement et les Chambres ont tenu à honneur de lui accorder les plus éclatantes réparations. Il s’est trouvé alors, dans une vie plus tranquille, un peu inégal à la célébrité qu’il avait conquise. Il a pâli auprès de l’image qu’il avait donnée de lui-même. Soit comme ministre, soit comme général, il a gardé un air insouciant, effacé, presque absent, une sorte de dilettantisme élégant et froid, qui contrastait avec l’énergie dont il avait fait preuve. Il semblait se survivre à contre-cœur et restait comme étonné de son grand passé.


Dimanche 25 janvier

M. Gaston Doumergue me communique la dépêche suivante, que vient de lui adresser M. Jules Cambon : « Berlin, le 19 janvier 1913. Absolument secret. L’amiral de Tirpitz a eu avec Mme de Faramond, femme de notre