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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/508

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CHAPITRE XII


L’Allemagne déclare la guerre à la Russie. — Incursions allemandes sur notre territoire. — Violation de la neutralité luxembourgeoise. — Réponse du roi d’Angleterre. — Remaniement ministériel. — La neutralité italienne. — Ultimatum à la Belgique. — L’Allemagne déclare la guerre à la France. — Discours de sir Ed. Grey aux Communes. — Les séances du 4 août 1914 au Sénat et à la Chambre des députés.


Nuit du samedi 1er au dimanche 2 août. — Aucun télégramme de Pétersbourg. Mais vers onze heures et demie du soir, M. Isvolsky se présente à l’Élysée et demande à me voir d’urgence. Je descends à mon cabinet du rez-de-chaussée et dis à l’officier de service d’introduire l’Ambassadeur. M. Isvolsky entre, l’air sombre et le visage décomposé. Il m’annonce que l’Allemagne vient de déclarer la guerre à la Russie et, d’une voix qui tremble d’émotion, ajoute : « A une heure aussi tragique, j’ai cru devoir, monsieur le Président, m’adresser au chef de l’Etat allié pour lui poser une question : a Que va faire la France ? » Et il reste là, devant moi, ne ressemblant en rien, je l’affirme, à l’image légendaire qu’on a souvent donnée de lui depuis sa mort. Loin de se féliciter ou de se réjouir de ce qu’on a appelé « sa guerre »[1], il en est épouvanté.

  1. C’est une pointe d’humour, lancée par sir Fr. Bertie, à propos d’une crise de « défaitisme » de M. Isvolsky, qui a fourni prétexte