CHAPITRE XII
Nuit du samedi 1er au dimanche 2 août. — Aucun télégramme de Pétersbourg. Mais vers onze heures et demie du soir, M. Isvolsky se présente à l’Élysée et demande à me voir d’urgence. Je descends à mon cabinet du rez-de-chaussée et dis à l’officier de service d’introduire l’Ambassadeur. M. Isvolsky entre, l’air sombre et le visage décomposé. Il m’annonce que l’Allemagne vient de déclarer la guerre à la Russie et, d’une voix qui tremble d’émotion, ajoute : « A une heure aussi tragique, j’ai cru devoir, monsieur le Président, m’adresser au chef de l’Etat allié pour lui poser une question : a Que va faire la France ? » Et il reste là, devant moi, ne ressemblant en rien, je l’affirme, à l’image légendaire qu’on a souvent donnée de lui depuis sa mort. Loin de se féliciter ou de se réjouir de ce qu’on a appelé « sa guerre »[1], il en est épouvanté.
- ↑ C’est une pointe d’humour, lancée par sir Fr. Bertie, à propos d’une crise de « défaitisme » de M. Isvolsky, qui a fourni prétexte