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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/65

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effectif de la division de Scutari au colonel allemand Nicolaï, qui l’exerçait par intérim et à qui il devait être retiré. L’Allemagne met ainsi la main sur les détroits, pendant que l’Autriche et l’Italie s’insinuent en Albanie. La Russie se plaint que la France et l’Angleterre ne soutiennent pas assez vigoureusement les intérêts russes à Constantinople. Une fois de plus, il semble que la diplomatie de la Triple-Alliance gagne des points sur celle de la Triple-Entente.

Mais c’est à peine si je puis m’attarder à voir passer tous ces nuages. Le gouvernement seul a le droit d’essayer de les dissiper. Pour moi, je me dois surtout à mes fonctions représentatives. Ce soir encore je préside un dîner, celui des nouvellistes parisiens. J’y ai été convié par M. Willm, député de la Seine, aimable homme qui s’est fait de la bonne humeur un programme politique. Il vient d’être exclu du parti socialiste unifié, qui ne lui a pas pardonné un voyage en automobile commencé naguère avec M. Briand dans la campagne normande et brusquement interrompu par un grave accident. M. Willm a subi cette excommunication sans la prendre au tragique et sans en maudire les auteurs.

Trois ministres, MM. Renoult, Viviani et Métin, m’accompagnent au dîner, mais la familiarité de la réunion me dédommage des cérémonies officielles. Je rappelle aux nouvellistes quelques épisodes de leur histoire. La Bruyère nous les montre se couchant le soir sur une nouvelle qui se corrompt la nuit et qu’ils sont obligés d’abandonner le matin à leur réveil. Et La Bruyère ne connaissait ni le télégraphe ni le téléphone ! Montesquieu plaisante, dans les Lettres persanes, la bruyante assemblée