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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/76

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Conseil. Il ne sait pas plus que moi à quoi s’en tenir. Attendons la suite. Nous avons, en tout cas, six semaines de répit.


Mercredi 25 février

M. Paléologue télégraphie, à la date d’hier, que la crise ouverte par la retraite de M. Kokovtzoff n’est pas terminée. Sur la volonté vacillante de l’Empereur s’exercent des influences diverses. On se demande auxquelles il cédera.

Je reçois le comte de Gontaut-Biron, député des Basses-Pyrénées, qui précisément revient de Russie. Il a vu Nicolas II ; il a vu M. Kokovtzoff ; il a séjourné chez la grande-duchesse Wladimir. Cette dernière lui a dit que le prince Metcherski, partisan d’une politique violemment réactionnaire, a pris un redoutable ascendant sur l’Impératrice et que le départ de M. Kokovtzoff est le résultat de toute une intrigue. Il y a deux ans, affirmait la grande-duchesse, le Président du Conseil avait surpris une correspondance échangée entre la Tsarine et le trop fameux moujik sibérien Raspoutine, qui avait sur elle un si singulier empire. Ces lettres, sans rien contenir qui touchât à l’honneur de la souveraine, indiquaient cependant une immixtion continuelle de Raspoutine dans les affaires de la famille impériale et de l’État lui-même. M. Kokovtzoff a cru de son devoir d’avertir l’Empereur, qui a fort bien accueilli la démarche du Président du Conseil et qui l’en a remercié. Le moujik a été éloigné. Mais l’Impératrice a bientôt réussi à lui assurer une éclatante revanche. Il est revenu et a repris à la cour sa place privilégiée. Il domine à tel point l’esprit de la Tsarine que, sous prétexte de délivrer de leurs péchés les jeunes grandes-