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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/77

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duchesses, il les assiège de ses importunités jusque dans la ruelle de leurs lits et que la confiance de la mère n’est pas troublée par ces mystérieux sortilèges. L’Impératrice est arrivée à ses fins. Elle a fait renvoyer M. Kokovtzoff par l’Empereur, qui a beaucoup souffert, paraît-il, de la résolution qu’on lui a suggérée, mais qui n’a pas eu le courage de résister aux prières de sa femme. C’est ainsi que la faiblesse du Tsar donne parfois à sa droiture l’apparence de la duplicité.


Dimanche 1er mars

Je me retrouve en service commandé. Après avoir présidé hier soir le banquet de la Société de géographie commerciale, et fait de courtes et éclectiques apparitions dans les trois bals de Saint-Cyr, de l’École Normale supérieure et de la Mode, je vais aujourd’hui, flanqué de mes deux inséparables, mes anciens concurrents Dubost et Deschanel, présider au Trocadéro la fédération des Sociétés mutuelles. Hier, je parlais des colonies ; cette après-midi, je parle de la mutualité ; demain, ce seront d’autres invitations et d’autres discours. Mais aucune de ces diversions ne dissipe les préoccupations constantes que me donne le malaise européen.


Lundi 2 mars

M. Joseph Reinach, député, m’a demandé audience ce matin pour m’entretenir de « choses graves ». Il a reçu, me dit-il, de Mulhouse, une lettre écrite par M. Mathieu Dreyfus, frère du capitaine qui a été injustement accusé de trahison et dont le procès a si cruellement divisé la France. M. Mathieu Dreyfus communique à M. Reinach un questionnaire envoyé par les autorités allemandes à tous les industriels d’Alsace. On