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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/91

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accepté l’invitation de l’ambassadeur, a téléphoné qu’elle était grippée et que son mari viendrait seul. À sept heures, le ministre des Finances s’est fait également excuser.

À mon entrée dans les salons, je ne vois que groupes silencieux et consternés. M. Doumergue, qui a l’habitude de se dominer, ne parvient pas à cacher son émoi. M. Caillaux lui a, me dit-il, offert sa démission. Il l’a refusée. Je ne puis qu’approuver ce refus amical, mais j’ajoute qu’il me paraît, malgré tout, bien difficile que M. Caillaux ne maintienne pas sa détermination. Je serai, dis-je, à la disposition du Président du Conseil, s’il désire me voir après la soirée de l’ambassade.

Mme Caillaux devait être une de mes voisines de table. Elle a été remplacée par Mme St. Pichon, qui connaissait M. Calmette et qui est très troublée de ce qui vient de se passer. Vers dix heures du soir, M. Hennion nous apporte de meilleures nouvelles du blessé. On espère le sauver. Une Italienne, qui s’évente fiévreusement dans les salons de l’ambassade, raconte qu’elle est rédactrice au Figaro et qu’elle se trouvait au journal, lorsqu’ont retenti les coups de feu. Elle répète avec insistance qu’on s’apprêtait à publier d’autres lettres contre M. Caillaux. Je ne sais pourquoi j’ai l’impression que cette personne élégante est une de celles qui renseignaient, depuis quelques semaines, les amis du ministre sur les intentions, vraies ou fausses, de M. Calmette.

M. Jules Roche, député, qui est également un des hôtes de l’ambassade, me dit qu’il se trouvait, lui aussi, au Figaro, lorsque s’y est présentée Mme Caillaux. Calmette, me raconte-t-il, causait avec Paul Bourget, quand on lui a passé une carte sous enveloppe.