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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/90

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Après leur départ, M. Doumergue reste un instant seul avec moi. Ne croyant pas avoir le droit de lui cacher les conversations que j’ai eues dans la journée avec MM. Caillaux et Maurice Bernard, je les lui rapporte. Il est, comme moi, fort ennuyé de ces tristes incidents, qui mettent les Chambres en ébullition et donnent peu à peu la nausée au pays.

Mais à sept heures du soir, coup de théâtre. Le Préfet de police téléphone à M. Adolphe Pichon, mon secrétaire général civil. Il m’informe que Mme Joseph Caillaux vient de se constituer prisonnière au commissariat du IXe arrondissement. Elle a raconté elle-même qu’elle avait tiré plusieurs coups de revolver sur M. Calmette dans son cabinet directorial du Figaro. On n’a encore aucun détail.

Quelques minutes s’écoulent et M. Doumergue me téléphone à son tour. Il n’a, lui aussi, que de vagues renseignements. On lui a dit qu’un journal du matin, autre que le Figaro, doit publier demain la note du procureur général Fabre ; il ne sait si la nouvelle est exacte.

Quelques minutes passent encore, et le Préfet de police précise que Mme Caillaux a déchargé les six coups de son revolver sur M. Calmette et que le directeur du Figaro a été transporté très grièvement blessé à la clinique Hartmann. Tragique épilogue d’une triste journée.

Nous devons cependant détacher notre pensée de ce drame sanglant pour aller dîner à l’ambassade d’Italie. M. et Mme Tittoni viennent au-devant de nous dans l’antichambre du rez-de-chaussée et, en montant l’escalier à mon bras, Mme Tittoni m’apprend qu’à trois heures et demie, avant de se rendre au Figaro, Mme Caillaux, qui avait