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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/95

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M. Lhopiteau vînt à la place Vendôme. Je suggère cette solution à M. Doumergue. Mais il ne me cache point que l’idée de prendre un garde des Sceaux hors du cabinet ne le séduit pas. Il est pressé d’aboutir et, en outre, il tient naturellement à ne pas être soupçonné de choisir un ministre de la Justice en vue du procès qui va s’ouvrir. Un conseil se tient au quai d’Orsay dès le début de l’après-midi et, aussitôt après, M. Doumergue vient me dire que le gouvernement a décidé de se réorganiser dans les conditions mêmes qu’il m’avait laissé pressentir. Le sous-secrétariat de l’Intérieur serait offert à M. Abel Ferry, fils de Charles et neveu de Jules, jeune Vosgien qui en est encore à l’heure des promesses.

La journée s’achève sur un nouveau coup de théâtre, moins sanglant que celui de la veille, mais tout aussi surprenant. Un débat a eu lieu à la Chambre, l’affaire du financier Rochette a été évoquée, une nouvelle enquête a été ordonnée. Brusquement, M. Barthou est monté à la tribune, il a tiré de sa poche la note originale du procureur général Fabre et il en a donné lecture à l’assemblée. Très ému de la mort de M. Calmette, qui était son ami, M. Barthou était venu me voir dans l’après-midi, mais rien, au cours de notre conversation, ne m’avait laissé deviner son intention. Quoi qu’il en soit, la pièce est maintenant connue autrement que par une publication du Figaro et les adversaires de M. Caillaux vont chercher à l’exploiter contre lui.

Mais M. Caillaux a aussi des amis, et qui lui sont fidèles. Quelques-uns même sont ardents et injustes. Sans doute moins bien renseignés que lui, ils essayent de me mêler à ces tristes affaires,