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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 6, 1930.djvu/143

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Nous entrons dans plusieurs de ces maisonnettes, qui sont vraiment charmantes, et nous y trouvons de gais Toulousains. Nous déjeunons dans la chaumière du capitaine qui commande le parc. Malgré un grand feu de bois qui brûle dans la petite cheminée, le vent et le froid s’insinuent à travers les rondins qui forment les parois de la chambrette, et il ne pénètre pas beaucoup de lumière par la lucarne. Mais avec quel appétit nous mangeons l’omelette, les pommes de terre et le bœuf, qui nous sont aimablement offerts !

Après un excellent café noir, nous assistons à la manœuvre d’un nouveau ballon captif que vient de recevoir l’armée et qui ressemble tout à fait aux drachen allemands. C’est un ballon allongé, en forme de chenille ; il a, à l’arrière, un appendice gonflé qui lui sert de gouvernail et il porte, en outre, une longue queue comme un cerf-volant. Il est très laid, mais il est plus stable que les ballons sphériques.

L’après-midi, nous allons voir le général Gouraud qui, après avoir été blessé dans l’Argonne, à la tête de la 10e division, commande maintenant en Champagne le corps colonial. Les troupes nous font partout un accueil très empressé. Vers la fin de l’après-midi, nous partons enfin pour Sainte-Menehould, où m’a été réservée, dans une maison particulière, la chambre où, hélas ! a couché le kronprinz.

Je dîne avec le général Sarrail qui commande toujours la 3e armée. Je le trouve beaucoup moins confiant que le général de Langle dans la possibilité de percer le front ennemi. Il préférerait une opération sur un autre théâtre. En tout cas, affirme-t-il, on ne peut, en Argonne, que gagner très peu de terrain et en le payant très cher. À son