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Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/105

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COMMENT FUT DÉCLARÉE LA GUERRE DE 1914

la nuit dernière, l’État-major général russe avait précisément fait surseoir à quelques précautions secrètes, dont la divulgation aurait pu alarmer l’État-major allemand. Hier, le chef d’État-major général russe a convoqué l’attaché militaire à l’ambassade d’Allemagne et lui a donné sa parole d’honneur que la mobilisation qui a été ordonnée vise exclusivement l’Autriche. Signé : Paléologue.

Les formules employées par M. Sazonoff et par le chef d’État-major général russe nous renseignent assez mal sur ce qui s’est passé la veille, et la seconde surtout n’est pas très heureuse. Mais il semble bien qu’à Saint-Pétersbourg l’opinion publique soit très troublée. Le matin, les journaux russes ont annoncé que l’armée autrichienne a bombardé Belgrade et M. Paléologue a télégraphié au Quai d’Orsay : Le bombardement de Belgrade provoque dans toute la Russie la plus vive émotion. Les efforts modérateurs du gouvernement impérial risquent d’en être paralysés. D’autre part, dans un télégramme, parti de Saint-Pétersbourg le 30 à 13 h. 15, et arrivé au ministère à 15 h. 40, M. Paléologue annonce : D’après les renseignements reçus par l’État-major général russe, la mobilisation générale de l’armée allemande sera ordonnée demain.

Quarante minutes avant l’arrivée de cet inquiétant message, c’est-à-dire à 3 heures de l’après-midi, M. Isvolsky avait apporté à M. de Margerie une note ainsi conçue :

M. Sazonoff télégraphie ce matin que l’ambassadeur d’Allemagne, qui sort de chez lui, est venu lui demander si le gouvernement impérial ne pouvait pas se contenter de la promesse de l’Autriche de ne pas porter atteinte à l’intégrité de la Serbie. M. Sazonoff répondit qu’une pareille déclaration était insuffisante. En réponse à la demande insistante de l’ambassadeur de lui indiquer les conditions auxquelles la Russie consentirait encore à arrêter ses armements, M. Sazonoff a dicté à l’ambassadeur le texte joint ci-après, en vue de le transmettre d’urgence à Berlin. M. Sazonoff a saisi de ce qui précède l’ambassadeur de Russie à Berlin en le chargeant de l’aviser sans délai de l’accueil qui serait réservé par le gouvernement allemand à cette nouvelle preuve de la disposition du gouvernement russe de faire le possible en vue d’une solution pacifique de la crise ; il est entendu que la Russie ne saurait admettre que ces pourparlers servent uniquement à faire gagner du temps à l’Autriche et à l’Allemagne. Paris, le 30 juillet 1914.

Et voici le texte joint :

Si l’Autriche, reconnaissant que la question austro-serbe a assumé le caractère d’une question européenne, se déclare prête à éliminer de son ultimatum les points qui portent atteinte aux droits souverains de la Serbie, la Russie s’engage à cesser ses préparatifs militaires.

Il faut convenir que cette proposition retarde un peu et qu’après la déclaration de guerre de l’Autriche et le bombardement de Belgrade elle a maintenant bien peu de chances d’être accueillie. Comment donc