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Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/151

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COMMENT FUT DÉCLARÉE LA GUERRE DE 1914

Ed. Grey a répondu qu’il avait remis au prince Lichnowsky un mémorandum précisant que l’opinion anglaise ne supporterait pas une atteinte à l’indépendance belge (Londres, 2 août no 173).

Un peu plus tard, M. Paul Cambon télégraphie de nouveau : Londres, 2 août 1914, 4 h. 40 s., reçu 18 h. 40. M. K. Hardie a organisé aujourd’hui un meeting socialiste de protestation contre une intervention de l’Angleterre dans le conflit actuel. C’est un homme sans crédit et ce meeting n’est pas sérieux ; mais il est à craindre qu’on n’en fasse état auprès du Labour party de la Chambre des communes pour l’empêcher de suivre demain le gouvernement, s’il fait une déclaration un peu nette. Un parlementaire des plus importants me dit qu’il faudrait faire adresser par les chefs du parti socialiste français à M. Ramsay Macdonald, chef du Labour party, un télégramme réclamant le concours de ce parti pour obtenir l’intervention britannique contre l’agression injustifiée des Allemands. Ce télégramme devrait être publié ce soir dans un journal de Paris et envoyé aux journaux de Londres, qui le publieraient demain matin. Il importe de le publier en même temps qu’on l’enverra à son destinataire, dont on a quelque raison de se méfier. Signé : Paul Cambon.

À la demande de M. Viviani, M. Malvy a fait venir M. Sembat et quelques autres députés socialistes, qui ont promis d’écrire immédiatement. Mais combien ces atermoiements du cabinet anglais n’aggravent-ils pas nos alarmes ! Que les pas sont lents et timides ! Coup sur coup, M. Paul Cambon nous télégraphie encore : Londres, 2 août, 5 h. 30. Reçu 20 h. 20, no 178. Très confidentiel. Dans le Conseil de ce matin, on a discuté l’envoi éventuel d’une force anglaise sur le continent. La majorité des ministres a été d’avis qu’étant donnée la situation aux Indes et en Égypte l’Angleterre ne pouvait se démunir de ses forces militaires. En me rendant compte de cette décision, sir Ed. Grey m’a dit qu’elle n’impliquait pas un refus absolu d’intervenir à terre, mais que le gouvernement se réservait de revenir sur la question suivant les développements du conflit actuel. En ce qui concerne une intervention navale, sir Ed. Grey m’a remis la déclaration dont voici la traduction : « Je suis autorisé à donner l’assurance que, si la flotte allemande pénètre dans la Manche ou traverse la mer du Nord afin d’entreprendre des opérations de guerre contre les côtes françaises ou la marine marchande française, la flotte britannique fournira toute la protection en son pouvoir. Bien entendu, cette assurance est subordonnée à cette réserve que la politique du gouvernement de Sa Majesté sera approuvée par le Parlement britannique et elle ne doit pas être considérée comme obligeant le gouvernement de Sa Majesté à agir jusqu’à ce que l’éventualité ci-dessus mentionnée d’une action de la flotte allemande se soit produite. » Sir Ed. Grey m’a prié de tenir cette déclaration secrète jusqu’à ce qu’elle ait été soumise au Parlement. Signé : Paul Cambon.

Londres, le 2 août 1914, 5 h. 40 soir, reçu 21 h. 55, no 179. Suite à mon télégramme 178. Quant à la violation du Luxembourg, le secrétaire d’État