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Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/164

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RAYMOND POINCARÉ

« Bruxelles, no 106. Président Conseil annonce à la Chambre territoire envahi. À l’unanimité, Chambre vote deux cents millions pour Défense nationale, loi sur espionnage, rappel des quatorzième et quinzième classes, maintien indéfini des classes 1914 et 1915 et amnistie des déserteurs. Chef parti socialiste Vandervelde nommé ministre d’État. Belgique donne spectacle admirable. »

« Bruxelles, no 118, 23 h. 49. Quatre corps d’armée dont le septième corps à Verviers ont envahi territoire belge d’Aix-la-Chapelle à Recht. Rencontre d’avant-garde devant Liège, notamment à Visé, qui est incendié. On signale Huy et Argenteau en feu et population civile décimée en représailles de coups de feu tirés sur détachements. Troupes allemandes progressent dans région de Liège. Signé : Klobukowski. »

Ainsi, quelques heures à peine après la déclaration de guerre, l’Allemagne est prête à se battre. C’est assez dire que sa véritable mobilisation a commencé longtemps avant d’être proclamée. Pendant que se tirent les premiers coups de feu et que des opérations militaires de vaste envergure se préparent plus lentement entre la Russie et l’Allemagne, l’Autriche, qui est la cause première du conflit européen, a poussé le paradoxe jusqu’à ne rompre, pour le moment, avec personne, sauf avec la Serbie. Le comte Szecsen ne semble pas songer à quitter son ambassade. M. Dumaine nous télégraphie qu’il ne croit pas devoir quitter la sienne, et il estime, avec raison, que, jusqu’à nouvel ordre, ce n’est pas à nous à prendre les devants.

Les autres nations commencent à définir le rôle qu’elles entendent jouer dans le terrible drame qui commence. Beaucoup veulent rester dans les coulisses. L’Italie confirme au monde son intention de garder la neutralité. Après de vives discussions au sein du gouvernement roumain, la même décision est prise à Bucarest. La Suède a décrété la mobilisation des classes 1905 à 1913 ; mais il est si vrai que la mobilisation, lorsqu’on le veut, n’est pas la guerre, que le ministre suédois des Affaires étrangères a promis la neutralité à la Russie, sous une réserve : si l’Angleterre prend part à la guerre, il se peut que la Suède soit mise en demeure par l’Allemagne de se déclarer et qu’alors, contrainte par le sentiment public, elle soit amenée à se ranger aux côtés des Empires du Centre. Le Danemark a proclamé sa neutralité dans les guerres entre l’Allemagne et la Russie, comme entre l’Allemagne et la France. En Hollande, M. Loudon a catégoriquement affirmé à M. Marcelin Pellet que la Hollande, non seulement gardera la neutralité, mais est résolue à la faire respecter. La Suisse demeure fidèle à ses traditions de fière indépendance. De Saint-Sébastien, où se trouvent la Cour et le gouvernement d’Espagne, M. Geoffray nous rapporte une conversation qu’il vient d’avoir avec le Roi. Alphonse xiii lui a dit que son pays ne peut s’engager dans la lutte