Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/136

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Ouf, une nuit, deux nuits, peut-être trois à passer. Pas gai, le métier.

Tout en causant à soi-même, il avait pénétré dans la cuisine de son immeuble, était monté sur une chaise pour saisir une sorte de lacet en fil de laiton recuit, machine qui sert aux braconniers pour colleter les gros animaux.

Puis il s’achemina, à travers bois, vers la lisière non loin de laquelle il s’arrêta. Un buisson d’épines noires assez touffu, entouré de trembles à l’écorce blanche, avait poussé à cet endroit.

— Bon, voilà l’affût du bonhomme, fit le garde.

Alors il courba un tremble jeune et flexible, fixa au centre de la cime le collet et un peu plus haut une corde qu’il noua par l’autre extrémité au pied d’un tremble plus robuste dont la moitié du tronc disparaissait dans une vieille touffe de houx.

— Bon, v’là la machine prête. N’y aura plus qu’à attendre le gibier. Ça sera un affût pas dangereux, attendu que le bonhomme est froussard comme un lièvre. À ce soir, mon brave.

Et le garde, content de lui, s’éloigna en fredonnant une marche militaire.

Un peu plus loin, il éprouva le besoin de se féliciter :

— C’est parfait, ça, mon vieux Bourgougnon. On n’a pas été zouave pour rien. Quand il viendra s’embusquer, faudra qu’il passe entre les deux buissons par une sente large comme la main. Il s’emberlificotera dans le collet par la tête. Probable qu’il se foutera par terre et alors, en avant la ficelle.

À dix heures, il se dissimula derrière la touffe de houx, commodément assis sur un caillou qu’il avait apporté, aimant ses aises, d’un tas voisin, et attendit.

Onze heures sonnèrent. Rien.

— Diable ! est-ce qu’il ne viendrait pas ? C’est pourtant son jour, pensait le garde qui ne monologuait plus et pour cause.

Mais à ce moment même une silhouette vague apparut sous l’ombre des taillis, silhouette aux allures timides. Puis cela prit une forme indiscutablement humaine. L’homme