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Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/3

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La bise hivernale soufflait sans relâche à travers les arbres de la forêt, dont l’étendue semblait au lointain se fondre avec le ciel vif, troué par des étoiles.

Les chênes, les hêtres et les sapins peints par le givre et la neige, dont la nappe éblouissante enveloppait leurs assises, esquissaient sous les reflets d’une lune à face glaciale un immense palais de cristal aux voûtes étranges portées par des piliers multiples.

Celui qui n’a jamais parcouru les infinis boisés dans l’ombre, sera inaccessible aux grandes pensées qui élèvent l’homme au-dessus de l’humanité commune et matérielle, dont l’expression la plus haute et la plus basse est fixée dans les villes aux rues innombrables, où la nuit est combattue par le gaz et l’électricité. L’excessif civilisé, diminué par d’oisives habitudes, porte un cerveau stérile ; il faut que des peuples jeunes viennent féconder les mondes caducs. Malheureusement, à notre époque, il n’est plus guère de peuples jeunes. Et les forêts, mutilées par la hache que poussent les exigences de la vie, ont seules gardé sur terre des reflets de l’infini des cieux que la science moderne, malgré de vains efforts n’a pu diminuer.

Cependant la bise, transformée en ouragan subit, secouait les branches des vétérans et courbait les troncs des adultes, jetant par paquets sur le sol la neige entassée sur les rameaux qui, délivrés d’un poids accablant, se redressaient soudaine-