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Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/57

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et inutiles investigations, il se blottit dans un fossé près de la mare et, derrière un buisson qui le dissimulait, il attendit.

Cependant les bûcherons continuaient à abattre le taillis, les chênes et les hêtres, aussi tranquillement que s’il ne s’était passé rien d’anormal.

Quand ils furent assurés que personne ne pouvait les entendre, ils se mirent à causer :

Le fils Giraud débuta :

— Rageait-il, ce cochon de Billoin. Le coup était propre aussi.

Mais Lanfuiné protesta :

— C’est nous qui coperons.

— Comment ça ?

— Parbleu ! c’est compréhensible. Le marquis, vous l’avez entendu, a donné des ordres contre nous, qui seront exécutés à la lettre par Billoin, comme dirait le maître d’école du Noyer.

— T’as peur ?

— C’est pas la question. Je dis seulement que la vie sera plus dure pour nous.

— Elle sera plus dure aussi pour les gardes.

— D’accord. Mais cela ne nous avantage en rien.

— Ça finira mal, conclut Giraud père.

— En attendant, dit le fils, Billoin est embusqué dans le taillis. Il peut attendre longtemps.

— Qu’il y reste jusqu’à ce qu’il soit gelé, s’écria Langlois.

Mais aucun d’eux ne songea à abandonner leur périlleux métier. Est-ce qu’ils pouvaient renoncer au plaisir de l’affût, au contentement qu’ils éprouvaient après un beau coup de fusil ?

Cet instinct de chasseur, légué par des ancêtres, ne disparaît pas en un instant. Force de l’atavisme, aurait dit le bourgeois Muratel. Et il eut comparé les braconniers au chien de chasse transformé en chien de garde, qui casse sa chaîne, pour courir les plaines et les bois.

Cependant la journée, en raison des dangers futurs, se termina tristement. Les bûcherons se séparèrent en dodelinant de la tête, façon silencieuse d’exprimer leurs craintes.