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Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/58

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Seul le fils Giraud était joyeux. Il avait joué un bon tour à Billoin. La première manche du duel lui appartenait. Qui gagnerait la seconde ? Hé ! hé ! il faudrait voir.

Et, quand il fut attablé devant la soupe fumante entre ses deux mioches encore trop jeunes pour comprendre, il conta l’histoire à Estelle dont le rire étrange soulevait, par instants, aux passages comiques, la bosse bizarre.

Et lorsqu’elle lui dit en l’embrassant :

— Ça c’est bien, mon gâs.

Giraud ne crut pas qu’il pouvait exister dans la vie d’un homme des moments de satisfaction et de bonheur intime aussi parfaits.


Toutefois ils ne se hasardèrent plus qu’assez rarement en forêt et l’affût, systématiquement, pendant une période assez longue ne réunit pas dans la pénombre des nuits de lune ou étoilées ses fervents adeptes.

Le fils Giraud dut employer des ruses de sauvage pour rentrer en possession de son fusil caché sous la bruyère, non loin de la petite mare où le dix-cors s’était noyé.

Les gardes, piqués par les reproches du marquis, avaient rajeuni leur zèle. Billoin surtout, et il paraissait ne plus avoir aucune notion juste de la fatigue.

Il avait dit à Loriot :

Le galvaudeux pour sûr a caché son arme dans le taillis. Il viendra la chercher et nous le pincerons.

Alors il avait eu l’idée de placer en permanence une sentinelle près de la flaque d’eau. Le brigadier Loriot avait approuvé et le garde de faction demeurait jusqu’à la venue d’un camarade qui prenait sa place. Ce procédé militaire ne donna pas le résultat espéré.

Le braconnier en venant à son travail traversait le taillis au centre duquel serpentait un petit sentier connu des bûcherons et des gardes. Le sentier longeait la mare pendant quelques mètres. Primitivement les cerfs et les biches l’avaient tracé en venant s’abreuver et l’homme un peu plus tard s’en était emparé.