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Page:Poisson - Recherches sur la probabilité des jugements en matière criminelle et en matière civile, 1837.djvu/185

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vateur, pour fixer les idées, et que les déviations observées ont été assez grandes pour ne laisser aucune incertitude sur le sens dans lequel elles ont eu lieu, cela suffit pour que nous soyons assurés, comme on l’est d’une chose dont personne ne doute, que dorénavant la même substance fera toujours dévier la lumière à droite ; et cependant le concours de cette substance et d’une déviation à droite, observé un nombre de fois qui n’est pas très grand, ne donnerait qu’une faible probabilité, et même une probabilité inférieure à 1/2, que dans un pareil nombre ou un nombre un peu plus grand d’épreuves nouvelles, aucune déviation à gauche n’aurait lieu.

Ces exemples et d’autres que l’on imaginera aisément montrent, ce me semble, que la confiance de notre esprit dans le retour des effets à la suite de leurs causes ne peut avoir pour unique fondement l’observation antérieure de cette succession, plus ou moins répétée. On va voir, en effet, qu’indépendamment d’aucune habitude de notre esprit, la seule possibilité d’une certaine aptitude de la cause à produire nécessairement son effet, augmente de beaucoup la raison de croire à ce retour, et peut rendre sa probabilité très approchante de la certitude, quoique les observations antérieures soient en nombre peu considérable.

(64). Avant qu’un phénomène P ait été observé et qu’on sache s’il arrivera ou s’il n’arrivera pas dans toute une série d’expériences que l’on va faire, nous admettons donc que l’existence d’une cause C capable de le produire nécessairement ne soit pas impossible. Nous concevons aussi qu’avant ces expériences, l’existence d’une telle cause avait une certaine probabilité, résultant de considérations particulières qui la rendaient plus ou moins vraisemblable, et que nous représenterons par . Supposons ensuite que P soit observé à toutes ces expériences dont le nombre sera désigné par . Après cette observation, la probabilité de l’existence de C aura changé ; il s’agira de la déterminer, et nous la désignerons par .

Quelque soin que l’on ait mis à diminuer l’influence des causes autres que C, susceptibles de produire le phénomène P à chaque épreuve, si C n’existait pas ; on peut croire, néanmoins, que l’on n’a pas rendu cette influence tout-à-fait nulle. Supposons donc qu’il existe certaines causes