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Page:Poisson - Recherches sur la probabilité des jugements en matière criminelle et en matière civile, 1837.djvu/41

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En 1831, la majorité suffisante pour la condamnation a seule été changée, et les deux éléments que nous considérons ont dû rester les mêmes. Dans les années suivantes, la question des circonstances atténuantes a sans doute influé sur les valeurs de ces éléments ; mais connaissant seulement, pour 1832 et 1833, le rapport du nombre total des condamnations à celui des accusés, cette donnée ne suffit pas à la détermination de nos deux éléments, et nous ignorons si, à cette époque, la chance qu’un juré ne se trompait pas, était devenue plus grande ou moindre qu’auparavant : nous ne pourrions le savoir qu’en faisant sur l’autre élément une hypothèse qui risquerait de s’écarter beaucoup de la vérité. Nous ignorons également si cette chance de ne pas se tromper ne changera pas encore sous la législation actuelle, à raison du vote secret[1] imposé aux jurés. Quand elle aura pu être déterminée, ainsi que la chance de la culpabilité résultant de l’information antérieure au jugement, au moyen d’un nombre suffisant d’observations futures, on connaîtra aussi, en répétant ces calculs à des époques plus ou moins éloignées, si ces deux éléments varient en France progressivement dans un sens ou dans un autre ; ce qui fournira un important document sur l’état moral de notre pays.

Malgré une plus grande expérience des procès criminels que les

  1. Les jurés ne pouvant plus revenir sur leurs décisions, dès qu’elles auront été prises au scrutin secret, il y a un cas singulier qui pourra se présenter quelquefois, et qu’il est bon de signaler. Deux individus que j’appellerai Pierre et Paul, sont accusés d’un vol ; à la question si Pierre est coupable de ce vol, quatre jurés répondent oui, trois autres oui, les cinq autres non : l’accusé est déclaré coupable à la majorité de sept vois contre cinq ; à la question, si Paul est coupable du même vol, les quatre premiers jurés répondent oui, les trois autres qui avaient dit oui contre Pierre disent non contre Paul, les cinq derniers répondent oui ; Pierre est donc déclaré coupable à la majorité de neuf voix contre trois. On pose ensuite la question, si le vol a été commis par plusieurs, qui entraîne, dans le cas de l’affirmative, une plus forte pénalité. Conséquemment à leurs votes précédents, les quatre premiers jurés répondent oui, et les huit autres qui ont jugé, ou Pierre ou Paul innocent, répondent non. La décision du jury, sans qu’il y ait aucune contradiction dans les votes des jurés, est donc que les deux accusés sont coupables du vol, et en même temps que ce vol n’a pas été commis par plusieurs.