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Page:Pour lire en traîneau - nouvelles entraînantes.pdf/396

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du Bon-Marché — il y a de cela quarante[1] à quarante-trois ans — il disait gaîment en rentrant :

— C’est le stage pour Sainte-Pélagie.

Il avait été dénoncé par notre concierge qui était son capitaine dans la garde nationale et comme c’était au commencement de l’Empire il fallait bien faire du zèle.[2]

Plus tard, j’ai toujours pensé que je devais y aller à mon tour et, si elle est démolie avant que je n’y sois allé en villégiature, ce ne sera toujours pas de la faute des recteurs bretons qui se sont constitués mes ennemis irréconciliables, ce qui est très mal après tout le bien et tous les services que je leur ai faits et rendus. Mais ainsi le veut l’ingratitude humaine…

Ces explications préliminaires étaient nécessaires pour bien faire comprendre pourquoi et comment il m’était permis de m’intéresser à Sainte-Pélagie à la veille de sa disparition.

J’aurais voulu commencer par en donner une description très fidèle et très minutieuse, en laisser comme un tableau vivant et attendri — oui, attendri, — comme il convient toujours en face d’une très vieille personne qui va mourir, quelles qu’aient été ses fredaines passées ; mais,

  1. Cinquante ans aujourd’hui, ou plutôt cinquante-trois, en effet.
  2. Mon père a écrit sur les murs de sa prison, pendant ses quarante-huit heures de détention aux Haricots, une chanson sur son capitaine qui est restée célèbre et que l’on pourra lire un peu plus loin.