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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/116

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de la démarche que j’allais faire. Malgré toute l’ardeur que je me sentais pour retenir Théophé à Constantinople, il me semblait que si j’eusse pu m’assurer de ses intentions et me persuader qu’elle voulait prendre sérieusement le parti d’une vie sage et retirée, j’aurais moins pensé à combattre son dessein qu’à le seconder. Mais en la supposant sincère, quelle apparence à son âge de pouvoir résister à toutes les occasions qu’elle allait avoir de retomber dans de nouvelles aventures ? Le capitaine messinois, le premier passager qui se trouverait avec elle sur le vaisseau, tout m’était suspect. Et si elle ne paraissait point destinée par son sort à une conduite plus réglée que celle des premières années de sa vie, pourquoi me laisser enlever par un autre les douceurs que je m’étais proposé de goûter avec elle ? Telles étaient encore les bornes où je croyais renfermer mes sentiments. J’arrivai à l’hôtellerie où le maître de langues l’avait laissée. Mais on nous apprit qu’elle était dans sa chambre avec un jeune homme qu’elle avait fait appeler en le voyant passer sur le port. Je demandai curieusement les circonstances de cette visite. Théophé, que le jeune homme avait reconnue aussitôt et qu’il avait embrassée avec la plus vive tendresse, avait paru répondre fort librement à ses caresses. Ils s’étaient enfermés ensemble, et personne ne les avait interrompus depuis plus d’une heure.