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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/157

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qui m’avez ouvert les yeux sur ma honte, vous êtes surpris que je sois insupportable à moi-même et que je pense à me cacher aux yeux des autres ? Eh ! quel est désormais le partage qui me convient ? Est-ce de répondre à vos désirs ou à ceux du Sélictar, lorsque je trouve dans les lumières que vous m’avez inspirées autant de juges qui les condamnent ? Est-ce de passer dans les pays dont vous m’avez vanté les usages et les principes, pour y retrouver, dans l’exemple de toutes les vertus que j’ai ignorées, le perpétuel reproche de mes infamies ? J’ai tenté néanmoins de quitter cette nation corrompue. J’ai voulu fuir et ceux qui ont perdu mon innocente jeunesse, et vous, qui m’avez appris à connaître ma perte. Mais où me laissais-je entraîner par ma confusion et par mes remords ? Je ne sens que trop que sans protection et sans guide je n’aurais pas fait de pas qui ne m’eût conduite à quelque nouvel abîme. Vos instances m’ont arrêtée. Quoique vous fussiez plus redoutable pour moi que tous les hommes ensemble, parce que vous connaissiez mieux toute l’étendue de mon infortune, quoique chacun de vos regards me parût une sentence qui portait ma condamnation, je suis rentrée avec vous dans Constantinople. Un malade, disais-je pour me rassurer, rougit-il de voir ses plaies les plus honteuses ? D’ailleurs, après avoir conçu qu’un voyage entrepris au hasard était une imprudence, je me suis flattée, sur