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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/181

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miens. « Frère ou non, me dis-je à moi-même, si ce jeune homme est amoureux de Théophé, s’il a trompé jusqu’à présent mes yeux, qui me répondra que Théophé n’ait pas conçu pour lui la même passion, et qu’elle n’ait pas eu autant d’adresse pour la déguiser ? Qui sait même si ce n’est pas de concert qu’ils cherchent à se défaire d’un lien incommode qui les empêche peut-être de se livrer à leur penchant ? » Cette idée, que toutes les circonstances étaient propres à fortifier, me jeta dans un accablement de chagrin dont je n’aurais pas réussi mieux que Synèse à déguiser les apparences.

« Allez, lui dis-je ; j’ai besoin d’être seul, et je vous reverrai tantôt. »

Il sortit. Mais dans le mouvement qui m’agitait, j’eus soin d’observer s’il ne se rendait pas directement chez Théophé, comme s’il y avait eu quelque chose à conclure de l’empressement que je lui aurais supposé à lui aller rendre compte de notre conversation. Je le vis entrer tristement dans le jardin, où je ne doutai point qu’il allât se livrer à la douleur d’avoir si mal réussi dans son entreprise ; mais son trouble devait être extrême, s’il surpassait le mien.

Mon premier soin fut de faire appeler Bema, dont je ne doutais point que les observations ne pussent me procurer quelques lumières. Elle affecta de ne rien comprendre à mes questions, et je me persuadai à la fin qu’ayant toujours été dans l’opinion que