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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/182

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Synèse était frère de Théophé, elle ne s’était point aperçue de leur liaison, parce que ses défiances ne s’étaient pas tournées de ce côté-là. Je résolus de m’expliquer avec Théophé, et de m’y prendre aussi adroitement que j’avais fait avec Synèse. Comme j’étais sûr qu’il n’avait pu la voir depuis qu’il m’avait quitté, je la pressentis d’abord sur le dessein où j’étais de le rendre à sa famille. Elle en marqua beaucoup d’étonnement, mais lorsque j’eus ajouté que la seule raison du dégoût que je prenais pour lui était la difficulté qu’il faisait de la reconnaître plus longtemps pour sa sœur, elle ne put s’empêcher de me laisser voir beaucoup de chagrin.

« Qu’il y a peu de fond, me dit-elle, à faire sur les apparences des hommes ! Jamais il ne m’a marqué tant d’estime et d’amitié que ces derniers jours ! »

Cette plainte me parut si naturelle, et les réflexions qu’elle y joignait sur son sort sentaient si peu l’artifice, que, revenant tout d’un coup de mes soupçons, je passai aussitôt à l’extrémité de la confiance.

« Je suis porté à croire, lui dis-je, que vous lui avez inspiré de l’amour. Il est importuné d’un titre qui ne s’accorde point avec ses sentiments. »

Théophé m’interrompit par des exclamations si vives que je n’eus pas besoin d’autre preuve pour me confirmer l’opinion que je prenais d’elle.

« Que m’apprenez-vous ? Quoi ? me dit-