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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/183

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elle, vous lui croyez pour moi d’autres sentiments que ceux de l’amitié fraternelle ? À quoi m’avez-vous exposée ? »

Et, me racontant avec une naïveté surprenante tout ce qui s’était passé entre elle et lui, elle me fit un détail dont chaque mot me fit trembler.

Sous le nom de frère, Synèse avait obtenu des caresses et des faveurs qui avaient dû rendre sa situation délicieuse en qualité d’amant. Il avait eu l’adresse de lui persuader que c’était un usage établi entre les frères et les sœurs de se donner mille témoignages d’une tendresse innocente, et sur ce principe il l’avait accoutumée, non seulement à vivre avec lui avec la plus étroite familiarité, mais à souffrir qu’il satisfît continuellement sa passion pour l’usage qu’il faisait de ses charmes. Ses mains, sa bouche, son sein même avaient été comme le domaine de l’amoureux Synèse. Je tirai successivement tous ces aveux de Théophé, et je ne me rassurai sur d’autres craintes que par la sincérité même avec laquelle je lui entendais avouer tout ce qu’elle regrettait d’avoir accordé. Mes projets de sagesse ne purent me défendre du plus amer sentiment que j’eusse encore éprouvé.

« Ah ! Théophé, lui dis-je, vous n’avez pas pitié du mal que vous me causez. Je me fais une violence mortelle pour vous laisser maîtresse de votre cœur ; mais vous l’accordez à un autre ! Votre dureté causera ma mort ! »