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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/189

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nouvelle qu’il avait eue de l’enlèvement de Chériber, il ne doutait pas que le malheur de son ami ne l’eût porté à se mettre à couvert par la fuite. Ma réponse fut qu’il ne devait pas différer un moment cette précaution, s’il était encore à la prendre, et je ne fis pas difficulté de charger l’esclave de lui offrir de ma part une retraite dans ma maison d’Oru, à la seule condition qu’il s’y rendrait la nuit et sans suite. Outre l’exemple de mon prédécesseur, j’avais celui du Bacha Réjanto, qui s’était fait une réputation immortelle pour avoir donné une retraite au prince Démétrius Cantemir. D’ailleurs, il n’était pas question de dérober un criminel au châtiment, mais de mettre un galant homme en sûreté contre d’injustes soupçons.

Cependant, comme je ne me trouvais pas plus avancé dans les services que je voulais rendre à mes amis, je pris le parti de voir quelques seigneurs turcs de qui je pouvais espérer du moins plus d’information. Le bruit commençait à se répandre que l’Aga des Janissaires, après avoir fait sa confession au milieu des supplices, avait déjà perdu la vie par le cordon des Muets. On augurait bien pour le Sélictar du délai qu’on avait apporté à le faire arrêter, et je n’entendis point qu’on lui attribuât d’autre crime que son amitié pour l’Aga. Mais Chériber et Dely Azet me parurent si menacés par la voix publique, que dans l’inquiétude dont je fus pressé pour deux de mes meilleurs amis, je